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[RESPONSABILITE PENALE MEDICALE EN CAS DE DELEGATION]

Dernière mise à jour : 5 mai 2024

[Homicide involontaire - Responsabilité pénale - Chirurgien - Médecin - Interne - Délégation]



🚨 L’engagement de la responsabilité pénale d’un médecin pour faute exige un examen circonstancié des faits spécifiques à l’affaire. En cas de délégation : la responsabilité du délégant compétent (le médecin) reste engagée du fait de la décision de déléguer impliquant la notion de « supervision » ; la responsabilité du délégué est engagée dans la réalisation de l’acte. Néanmoins, bien qu’un médecin puisse déléguer la réalisation d’un acte de soin ou d’une tâche, bien définie et limitée, il ne peut se soustraire à ses responsabilités par voie de délégation à un interne en médecine.

 

(Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 3 mai 2006, 05-82.591 ; Haute Autorité de la Santé, Les nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé : les aspects juridiques du 2 août 2007)


⚖️ Dans l’affaire précitée, une patiente, ayant fait l’objet d’une thyroïdectomie pratiquée par un interne en médecine et son chef de service, a eu des complications hémorragiques en postopératoire immédiat, aggravées par plusieurs facteurs, résultant à son décès.  

 

Il est rappelé que le fait de causer « par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire » (Article 221-6 du Code pénal).


La détermination de la responsabilité pénale d’un professionnel de santé pour faute en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui, d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou les règlements est faite de manière mesurée. Elle prend en compte notamment l’existence ou non de diligences normales considérant la nature des missions, des fonctions, et des compétences du praticien, ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait, et éventuellement des circonstances de force majeure (Article 121-3 du Code pénal).


Dans ce sens, le rapport de l'expert désigné par le juge d'instruction dans l’affaire du 3 mai 2006 soulevait plusieurs points :

 

- le praticien « avait parfaitement conscience de la nécessité d'intervenir rapidement »

- « plusieurs fois alerté par le docteur (…) qui lui avait fait part de son inquiétude et normalement instruit en l'état de l'avancement de son cursus, des risques de complications hémorragiques en postopératoire impliquant une reprise chirurgicale »

- « la décision d'évacuation de cet hématome chirurgical a été prise avec retard (…) aggravé par divers dysfonctionnements dans l'organisation du circuit de garde (…) au cours des dépositions, des désaccords apparaissent entre les décisions de l'équipe chirurgicale ORL et les souhaits de l'anesthésiste de garde sur place ».

- « les deux chirurgiens ont bien commis une faute pénale pour ne pas être intervenus dès la première alerte, sachant pertinemment le risque qu'ils faisaient ainsi courir au malade »

la patiente a « constitué progressivement un hématome cervical en salle de réveil sous la surveillance discontinue par les urgences »  

- le risque de complication grave en l’espèce a été « connu par tous les chirurgiens » de la spécialité concernée 

- le praticien « ne pouvait raisonnablement ignorer que son abstention pendant plusieurs heures était de nature à faire courir un risque grave » 

- « en l'état des données de la science, une nouvelle intervention chirurgicale s'imposait de façon indiscutable »

- le praticien était « beaucoup plus expérimenté »

- « méconnaissance fautive des données de la science »

- le praticien « disposait de l'ensemble des éléments lui permettant d'apprécier l'état de santé du patient, de sorte que sa décision de ne pas procéder à une reprise chirurgicale résultait d'une erreur d'appréciation non fautive » 


La décision de condamnation d’un interne en médicine pour faute de « ne pas avoir pratiqué une nouvelle intervention lors de la première alerte » a été remise en cause par la Cour de cassation en l’application de l’Article 593 du Code de procédure pénale. La Haute juridiction a considéré que le retard de la décision d’une reprise chirurgicale immédiate était imputable au chef de service et non à l’interne qui était « placé sous l'autorité et la responsabilité d'un chef de service » et qui exerçait ses fonctions « par délégation ». Cette perspective renvoie à l’alinéa 1 de l’Article R6153-3 du Code de la santé publique, issu de l'article 3 du décret n° 99-930 du 10 novembre 1999 fixant le statut des internes en médecine, selon lequel : « L'interne en médecine exerce des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, par délégation et sous la responsabilité du praticien dont il relève. » 


⚠ Cette décision confirme le principe que le médecin « est astreint à une surveillance personnelle des actes accomplis sous sa direction immédiate pendant une intervention chirurgicale, par le personnel placé sous ses ordres, et commet une faute engageant sa responsabilité pénale dès lors qu’il n’exerce pas cette surveillante avec toute l’attention nécessaire » (Cass.crim, 9 mai 1956, n°355).


Dans ce sens, l’Article L4161-1 du Code de la santé publique ainsi que les Articles 3 et 4 de l’Arrêté du 6 janvier 1962 mettent en exergue l’importance que les actes médicaux soient réalisés « sous la responsabilité et la surveillance directe d'un médecin, celui-ci pouvant contrôler et intervenir à tout moment » et « uniquement sur prescription du médecin », avec des dérogations strictement limitées.


Ces obligations résultent en partie du fait que la profession d’un médecin « au sens strict du terme, [suppose] une certaine autonomie de pratique et de régulation - à laquelle les lois françaises donnent depuis près de deux siècles un monopole dans le domaine de la santé. »


(Ordre National des Médecins, Conseil National de l’Ordre, Code de déontologie médicale et ses commentaires du 28 juin 2022).

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