[DEVOIR D’INFORMATION DU MEDECIN – RISQUE GRAVE EXCEPTIONNEL]
- Habbine Estelle Kim
- 18 avr. 2024
- 4 min de lecture
[PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - MEDECIN – RESPONSABILITE MEDICALE – OBLIGATION D’INFORMATION – DIGNITE – RISQUE EXCEPTIONNEL – SECURITE JURIDIQUE]

🚨Le devoir d'information du médecin est susceptible d'affecter la validité du consentement éclairé de la patiente en vue de la réalisation d’un acte ou traitement médical.
⚖️ Dans l'arrêt de principe de 2001, un médecin avait suivi la grossesse d’une patiente. L'accouchement a eu lieu sur le lit de la patiente à domicile sur une bassine. Le médecin et une sage-femme tenaient chacun une jambe de la parturiente. En raison de la présentation par le siège, un relèvement des bras de l'enfant s'est produit. Lors des manœuvres obstétricales, est survenue une dystocie de ses épaules entraînant une paralysie bilatérale du plexus brachial droit, son incapacité permanente partielle après consolidation étant estimé à la hauteur de 25%. Un rapport d'expertise produit au litige précisait que les manœuvres réalisées sur la bassine pour traiter la dystocie « n'en ont certainement pas été facilitées. » (Cass, 1ère civ., 9 octobre 2001, 00-14.564)
Après sa majorité, l'enfant a engagé une action contre le médecin et la clinique. Le premier grief invoqué concernait les fautes commises lors de sa mise au monde. Le second concernait une absence d'information de sa mère quant aux risques inhérents à une présentation par le siège lorsque l'accouchement par voie basse était préféré à une césarienne.
La cour d'appel de Lyon avait énoncé dans sa décision que le grief de défaut d'information sur les risques « ne pouvait être retenu dès lors que le médecin n'était pas en 1974 contractuellement tenu de donner des renseignements complets sur les complications afférentes aux investigations et soins proposés, et ce d'autant moins qu'en l'espèce le risque était exceptionnel ».
La Haute juridiction n'était pas alignée avec cette interprétation. Elle a jugé qu'un médecin ne peut être dispensé de son devoir d'information vis-à-vis de son patient, même si le risque grave concerné était exceptionnel. Cette obligation pèse sur tous les médecins, qu'ils soient libéraux ou hospitaliers.
La Haute juridiction consacre par ailleurs le principe que « nul ne peut se prévaloir d’un droit acquis à une jurisprudence figée. »
⚠ Le principe de consentement éclairé de la patiente est un principe essentiel en matière de santé.
Selon une jurisprudence constante, « le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas. (…) Si le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que la personne de confiance, à défaut, la famille ou un de ses proches ait été prévenu et informé, sauf urgence ou impossibilité. » (Article 36 du Code de la déontologie médicale ; Article R.4127-36 du code de la santé publique) ; LOI n° 2002-303 du 4 mars 2002). « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. (…) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. » (Article L. 1111- 4 du Code de la Santé Publique).
Néanmoins, il existe une exception limitativement applicable : « Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité (...) » (Article L1111- 4 du Code de la Santé Publique). « Tout médecin qui se trouve en présence d'un malade ou d'un blessé en péril ou, informé qu'un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s'assurer qu'il reçoit les soins nécessaires. » (article R. 4127-9 du Code de la Santé Publique).
La Haute juridiction rappelle que le devoir du médecin « de donner au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science comporte le devoir de se renseigner avec précision sur son état de santé, afin d'évaluer les risques encourus et de lui permettre de donner un consentement éclairé ». Dans ce sens, l'article L111-2 du Code de la santé publique dispose que « [t]oute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. » Cette information doit être loyale, claire et appropriée (Article 35 du Code de la déontologie médicale ; Article R.4127-35 du Code de la santé publique), ce qui ne serait pas le cas lorsque « l'indication portée quant aux effets secondaires est vague et ne permet pas de connaître les risques effectivement évoqués, le seul expressément cité étant celui bien connu » en vue des informations et documents présentés à la patiente dans leur globalité (Cass, 1ère civ., 9 Septembre 2020, 19-10.404).
Même lorsqu'aucune faute ne pourrait être reprochée au médecin dans l'accomplissement d'un acte thérapeutique technique, sa responsabilité afférente à l'obligation d'information ne peut être écartée, sous réserve de certaines limites restrictivement applicables. Effectivement, un médecin ne peut être dispensé de son devoir d'information envers son patient, celui-ci trouvant son fondement dans l'exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Cette obligation s’impose même dans l’hypothèse où le risque grave concerné ne se réaliserait qu'exceptionnellement (Cass, 1ère civ., 9 octobre 2001, 00-14.564). A cet égard, le Conseil d'Etat a admis que : « lorsque l’acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques connus de décès ou d’invalidité, le patient doit être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n’est pas requise en cas d’urgence, d’impossibilité, de refus du patient d’être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation » (Cons. d’Et. 5 janvier 2000, arrêts n°198530 et n°181899). Dans ce contexte, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé ("ANAES") a élaboré des recommandations à cet égard dans sa publication dénommée « Information des patients. Recommandations destinées aux médecins » (mars 2000).
C’est au médecin qu’il incombe d’apporter la preuve qu’il a bien informé ce dernier des risques du traitement ou de l’investigation qu’il lui propose (Castagnet, Civ.1ère, 7 octobre 1998, n°97-12185 ).
La responsabilité médicale peut être recherchée en cas de manquement.
En principe, le préjudice réparable due à la patiente serait la perte de chante d'éviter le dommage par une information appropriée et complète. Néanmoins, l'expérience prétorienne démontre que le quantum de dommages et intérêts accordé est souvent proportionnel ou équivalent à celui que la patiente aurait obtenu pour réparer le préjudice final constitué par le handicap lui-même.
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