Le Danemark propose une loi sur le droit d'auteur en matière d'IA Deepfake pour protéger l'image, la voix et l'identité des personnes
- Habbine Estelle Kim
- 18 juil.
- 4 min de lecture

Le Danemark a récemment proposé une réforme ambitieuse de sa législation sur le droit d’auteur, visant à offrir une protection renforcée aux individus contre les contenus synthétiques générés par l’intelligence artificielle - en particulier les deepfakes reproduisant leur image, leur voix ou leurs caractéristiques physiques sans consentement. Si elle est adoptée, cette réforme constituerait une première en Europe en consacrant l’identité biométrique comme un objet de droit relevant du champ de la propriété intellectuelle.
📜 Contexte
Le 3 juin 2024, une majorité de partis représentés au Parlement danois a conclu un accord interpartis fixant les lignes directrices encadrant l’usage de l’intelligence artificielle dans les activités politiques, avec un accent particulier sur l’utilisation d’images et de contenus audio manipulés de type deepfake par les partis parlementaires.
Dans le prolongement de cette initiative, le 26 juin 2025, le ministre danois de la Culture, Jakob Engel-Schmidt, a présenté un projet de loi intitulé « Projet de proposition de loi visant à modifier la loi danoise sur le droit d’auteur » (Udkast til forslag til lov om ændring af lov om ophavsret), visant à encadrer plus strictement l’usage abusif de l’intelligence artificielle dans la création de contenus falsifiés. Sous réserve de son adoption par le Parlement, cette législation entrerait en vigueur le 31 mars 2026.
Ce texte propose d’introduire des protections juridiques spécifiques contre la reproduction numérique non autorisée du visage, du corps ou de la voix d’une personne, indépendamment de son statut public ou privé. En érigeant explicitement ces attributs biométriques en expressions juridiquement protégées, le projet s’écarte des fondements traditionnels du droit d’auteur — historiquement limité à la protection des œuvres de l’esprit — pour intégrer l’identité personnelle dans le champ élargi de la propriété intellectuelle.
Amendements clés :
Point 8 (§ 65a) : Introduit un droit post-mortem de 50 ans pour les artistes interprètes, interdisant la recréation numérique de prestations sans consentement explicite. Le consentement est révocable et la charge de la preuve incombe à la personne qui partage le contenu.
"§ 65 a. Les imitations réalistes, générées numériquement, de la prestation artistique d'un artiste interprète ou exécutant ne doivent pas être mises à la disposition du public sans le consentement de l'artiste interprète ou exécutant. 2. La protection prévue à la sous-section 1 dure jusqu'à ce que 50 ans se soient écoulés après la mort de l'artiste interprète ou exécutant.Sous-section 3. Les dispositions de l'article 2, sous-sections 3 et 4, des articles 3, 11, 13, 13 a, 16 a, 16 c, 16 f, 17-17 b, de l'article 17 c, sous-sections 2, 3 et 4, des articles 17 d-17 e, de l'article 18, sous-sections 1 et 2, de l'article 19, sous-sections 1 et 2, et des articles 21 à 23, 24 b, 25, 25 a, 27, 28, 30 a, 33, 34, 35, § 47 sous-sections 1 et 2, §§ 49, 50-57, 58 a, 61 et 62 s'appliquent de manière correspondante aux imitations numériques réalistes de prestations d'artistes interprètes ou de présentations artistiques d'artistes interprètes. "
Point 10 (§ 73a) : Protège toutes les personnes physiques contre les imitations non autorisées de leurs caractéristiques physiques. Peut faire l'objet d'une exemption au cas par cas pour certaines caricatures, satires, parodies, pastiches, critiques ou objectifs similaires (liberté d'expression en vertu de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme) - à moins que l'imitation ne cause un préjudice grave ou une désinformation.
"Protection contre les imitations réalistes de caractéristiques personnelles générées numériquement§ 73 a. Les imitations réalistes générées numériquement des caractéristiques personnelles et physiques d'une personne physique ne doivent pas être mises à la disposition du public sans le consentement de la personne imitée.2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux imitations principalement destinées à la caricature, à la satire, à la parodie, au pastiche, à la critique du pouvoir, à la critique de la société ou à d'autres fins similaires, à moins que l'imitation ne constitue une désinformation susceptible de porter gravement atteinte aux droits ou aux intérêts substantiels d'autrui. 3. La protection au titre de la sous-section 1 dure jusqu'à ce que 50 ans se soient écoulés après la mort de la personne imitée".
Le point 19 (§ 86a) du projet d’amendement étend expressément la protection aux ressortissants étrangers, soulignant ainsi la vocation extraterritoriale et l’ambition internationale du dispositif proposé par le Danemark.
« Disposition spéciale sur la protection contre les imitations de caractéristiques personnelles générées numériquement § 86 a. La disposition de l'article 73 a s'applique aux imitations de toutes les personnes physiques, y compris les ressortissants étrangers ».
Ces amendements étendent de manière significative la portée protectrice de la législation danoise sur le droit d’auteur, érigeant ainsi le Danemark en acteur de premier plan parmi les juridictions européennes en matière de réponse juridique au développement des contenus générés par l’intelligence artificielle.
🕒 Calendrier législatif
- Phase de consultation : En cours (été 2025)
- Examen parlementaire : Prévu en octobre 2025
- Date d'entrée en vigueur : 31 mars 2026
🧭 Conclusion
Le Danemark propose un amendement à sa législation sur le droit d’auteur qui marque une évolution significative dans la manière dont le droit appréhende l’identité personnelle à l’ère de l’intelligence artificielle. Ce texte répond aux préoccupations croissantes suscitées par les deepfakes, en raison de leur impact potentiel sur le débat démocratique, le respect de la vie privée et la confiance dans les institutions publiques.
Ce projet de réforme s’inscrit dans une dynamique réglementaire plus large au sein de l’Union européenne, en cohérence avec des instruments tels que la législation sur l’intelligence artificielle, la loi sur les services numériques et les exigences posées par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). En octroyant aux individus des droits exclusifs sur la reproduction numérique de leur image, de leur voix et de leur ressemblance, le Danemark pose les bases d’un nouveau standard juridique en matière de régulation des contenus synthétiques et de protection de l’identité numérique.
Le gouvernement danois entend par ailleurs promouvoir des mesures analogues à l’échelle européenne lors de sa prochaine présidence du Conseil de l’UE (présidence danoise du Conseil de l'UE du 01.07.2025 au 31.12.2025.). Si cette initiative législative aboutit, elle pourrait offrir une protection juridique renforcée aux citoyens et aux artistes, tout en servant de référence pour le développement de cadres normatifs adaptés aux enjeux éthiques et juridiques liés aux technologies d’IA générative. En cas d’adoption et de mise en œuvre réussie, cette réforme danoise pourrait ainsi constituer un précédent structurant pour les futurs instruments internationaux relatifs à l’identité numérique et à la régulation de l’intelligence artificielle.
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